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Dibiterie et borom bol

Par Souleymane Seck

Les dibiteries, les « borom bol, font pignon sur rue, dans les grandes artères de la ville de Dakar. Ces endroits de rencontres galantes, d’affaires et de palabres sont très prisés par une certaine classe de la population et implantés dans des cadres peu chics. Il faut avoir un estomac à toute épreuve. Car la viande est mise à rude épreuve aussi bien dans la conservation, la préparation et le service.

La presque totalité des "Dibiteries" de Dakar ont une activité nocturne. Le personnel exerçant dans ces établissements est diversifié. Il est souvent composé de personnes qui coupent les morceaux commandés par le client, d'autres qui s'occupent de la grillade, des serveurs et le gérant. Parfois, certains employés jouent plusieurs rôles. L'ouverture de la "Dibiterie" se fait à 18 heures. La carcasse de mouton ou de chèvre est accrochée sur du fer à l’air libre. Les morceaux peuvent être choisis par le client lui-même ou par le "grilleur". La viande est vendue au prix de 5000 frs CFA ou 6000 frs le kilogramme. La durée de la viande à la cuisson dépend de la volonté du client. Certains préfèrent la viande saignante, d'autres la veulent bien cuite. Le retournement de la viande déposée sur le feu en fer est fait à l'aide de longues brochettes en fer. Après cette phase de grillade, la viande est enlevée du feu puis emballée dans du papier de récupération : papier qui a servi à conditionner de la farine ou du ciment. Rares sont les "Dibiteries" qui disposent d'assiettes et de fourchettes pour servir le client. L’approvisionnement en viande crue dans les « dibiteries » se fait le plus souvent au quotidien si on se réfère aux propos de Sidy Sarr, vendeur de « dibi », au quartier des Hlm Grand Yoff, « l’approvisionnement au quotidien s’explique par les moyens faibles dont nous disposons pour la conservation en quantité de la viande. Généralement, ont ne dispose qu’un seul congélateur et pas très spacieux ». Si d’aucuns optent pour cette démarche, cela ne semble pas être le cas pour d’autres. Par exemple pour Saliou samb, vendeur de « dibi » à Grand Yoff, il prône l’achat en quantité pour avoir un stock important afin d’une part, de se prémunir d’un déficit de la viande de ruminants sur le marché et d’autre part de répondre à toutes les commandes à n’importe quel moment de la journée. Puis, s’empressant de nous dire « il n y a aucun risque. Car je dispose de deux congélateurs et il n’y pas de rupture dans la chaîne de froid ». Au même moment, un coup d’œil rapidement jeté sur ces congélateurs montre, qu’ils sont tous éteints. Ce qui n’est pas sans conséquences sur la qualité de la viande et sur la santé du consommateur. La démarche qui consiste à s’approvisionner au quotidien sur le marché est appliquée également par les « borom bol ou frokh Thiaya ». Ces derniers servent à leur clientèle des portions de viandes cuites, des « lakhasses » dans un bol. Ils sont rencontrés dans les lieux de rassemblement : sorties des marchés, des hôpitaux, des garages etc... Pour Oumar Fall, vendeur, de « borom bol », « je me ravitaille aux abattoirs. Mais parfois je récupère les invendus des bouchers ne disposant pas de matériel de congélation». Néanmoins, il lui arrive, nous a t’il fait remarquer de s’approvisionner dans son petit cheptel. Contrairement aux « dibiteries », « les borom bol » sont seuls dans leur commerce. Autour du bol sur le feu à demi endormi se trouve deux à trois bancs de deux ou de trois places chacun, un saut, une bouteille d’eau, un sachet d’Omo (détergent) et un torchon pour tous les clients. Voici le décor campé chez les « Borom Bol ». Beaucoup d’adeptes de ces viandes cuites dans les dibiteries et « borom bol » ne se soucient pas du cadre peu chic et des conditions de préparation de la viande. Pour certains consommer la viande est signe d’aisance sociale. Pour d’autres, la consommation de viande renforce la capacité énergétique etc...

Les adeptes de la viande de « dibi » ou « Borom Bol »

Toutes les couches sociales y passent. D’après M. Sarr, vendeur de « dibi » de son état « je reçois tous types de personnes. Le plus souvent la clientèle est composée de couples, les taximen, les prostituées etc... » Outre ces clients, dit-il, « je reçois des commandes émanant de certaines familles dans le quartier ». Idem, chez son collègue M.Samb. Selon ce dernier « sa clientèle est composée de jeunes pas souvent nantis. Ces derniers achètent les tripes grillés ». Ils en raffolent dit-il. Car le plus souvent toute la quantité préparée en début de soirée fini avant 21 heures. Dans les dibiteries, il est difficile de tirer un mot clients. Cependant, on remarque de nombreux va et vient de couples et de femmes. L’une des rares personnes à avoir accepté de nous parler répond au nom de Coumba N’Diaye. Elle est mariée et mère de deux enfants. « il m’arrive parfois d’acheter du « dibi » pour le dîner. Car avec mon travail, je descends tard. Ainsi, je préfère acheter le « dibi que de cuisiner à certaines heures. C’est une façon aussi de faire plaisir à ma famille ». Par contre chez les « borom bol » la clientèle est composée très souvent de chauffeurs de taxi, de marchands ambulants. Selon, M.Fall, originaire de la Mauritanie précisément à Rosso Mauritanie « les clients arrivent tôt le matin pour le petit déjeuner. Si d’aucuns viennent se servir avant le travail, d’autres se servent avant d’aller se coucher car ayant travaillé toute la nuit ». D’ailleurs, la présence des voitures en jaune et noir qui stationnent aux alentours de son commerce montre à quel point les taximans sont des adeptes des « borom bol ». Certains que nous avons eu à interpeler trouvent normal que les chauffeurs consomment de la viande à l’image de Ousmane diop, chauffeur de taxi depuis plus de cinq ans. « Nousrestons tout une journée assis devant le volant. Et pour des raisons de fatigue et de prévention sanitaire de certaines maladies comme l’hémorroïde. Nous sommes obligés de marquer une pause pour nos dégourdir les jambes et de consommer de la viande ». Basse n’diaye, chauffeur de son état, chemise entrouverte, avec un gros ventre, assimile la consommation de la viande par les chauffeurs comme un signe d’aisance sociale. « La consommation de la viande n’est pas réservée seulement aux riches. Nous avons un métier noble. Et, cela se traduit naturellement par le fait que nous en consommons de la viande ». dit-il. Pour Soro gueye, vendeur ambulant, attendant avec impatience d’avoir une place autour du bol, nous signifie que « vous voyez tous ces bagages à mes cotés. Je les porte toute la journée sur mes frêles épaules. Il faut nécessairement que je mange de la viande, en boire la sauce puis l’accompagnée d’une bonne tasse de café touba ». Debout sous un arbre, avec un accoutrement et physique différents des clients autour du bol, Joe mendy, enseignant, attend également une place non assise pour aller s’assoir autour du bol. « Bien que marié, je ne peux pas m’empêcher de manger de la viande de rue. Elle à une saveur spéciale que je ne peux pas trouver dans la marmite de mon épouse ». dit-il Les sénégalais sont de grands consommateurs de la viande cuite dans dibiteries et celle vendue par les « borom bol ». D’ailleurs, souligne M.samb, « beaucoup de restaurants chics vendent du « dibi » (viande grillée). Ce qui montre l’importance de cette viande auprès des sénégalais ». Cependant, aussi bien dans les dibiteries comme chez les « borom bol » la viande cuite qui est proposée à la clientèle peut être suspectée quant à sa propreté à sa consommation. En effet, ni le cadre, ni la réparation ne répondent aux normes d’hygiènes pour une consommation sans risque.

Les Dibiteries et « Borom Bol » : Lieux de rencontre des bactéries

La viande consommée dans les dibiteries et/ou « borom bol » est-elle de bonne qualité ? La réponse risque d’être négative. Car si on se fie aux nombreuses défaillances dans toute la chaine, allant de la livraison, la conservation, la préparation et le service...tout porte à croire que la consommation cette viande présente de réels dangers. La première défaillance est notée sur le système de transport. Selon, M. Sarr, « les vendeurs de « dibi » transportent le plus souvent la viande par des moyens autres que le camion frigorifique. Il s’agit le plus souvent des taxis, les cars de transports en commun, le scooter etc... ». Le recours à ces moyens de transport se justifie par les coûts peu élevés. D’après, le nutritionniste, Manon Loubrieu officiant à l’hôpital Principal de Dakar « Aucuns de ces moyens de transport ne permettent de conditionner la viande selon les normes hygiéniques et sanitaires requises. La viande doit être transportée dans des engins isothermes pour maintenir sa température de ressuage ». Ce que semble douter de loin M.sarr, selon, ce dernier, « le seul fait que la viande porte le tampon du vétérinaire indique la bonne qualité de la viande et par conséquent est propre à la consommation ». Même si Mme Loubrieu cautionne la véracité des propos de M.Sarr. Il n’en demeure pas moins, selon elle que « les moyens de transports utilisés par la plupart des grilleurs et « borom bol » sont sources de contamination de la viande par des bactéries. Et, elles peuvent avoir des conséquences sur la santé du client ». Outre, les risques liés à l’acheminement de la viande dans les dibiteries. L’exposition de celle-ci à l’air libre pose un problème sanitaire. Le décor reste le même dans beaucoup de dibiterie. La viande est négligemment suspendue sur des accroches métalliques souvent rouillées, avec tous les risques d’être envahi par les mouches.

Cet environnement, d’après, Mme Loubrieu « favorise la présence des bactéries sur la viande et peut provoquer des diarrhées chez le consommateur ». Elle souligne également que « l’usage d’un même frigo à l’intérieur de la dibiterie pour conserver : viande, plats déjà cuisinés, lait caillé etc...favorise la contamination par les salmonelles ». Toujours dans l’univers de la dibiterie les «grilleurs» utilisent le même matériel de découpe : couteau, scie manuelle et la hache. Mais M.Samb souligne que « la scie n’est presque pas utilisée et joue un rôle ornemental du fait du style de découpe effectué ». A ce niveau aussi, le matériel n’est désinfecté qu’une fois dans la journée souligne M.Sarr. Ce qui peut avoir des impacts sur la qualité de la viande. Car ces matériaux sont laissés à l’air libre et très souvent aussi à l’assaut des mouches. Ainsi, ils deviennent des sources potentielles de nid de bactéries. D’ailleurs, les dibiteries ne sont pas abonnées à la SONEES. Elles sont menues d’un fût avec un robinet et est installé dans un coin de la dibiterie. Ceci pour permettre aux clients de se laver les mains avec du savon. Un seul torchon est généralement disponible pour l’ensemble des clients. Ainsi, même ils peuvent chopper des bactéries en quittant les lieux. Le personnel n’est pas en reste dans le manque d’hygiène qui caractérise la plupart des dibiteries. Personne ne dispose de carnet de santé. Et dans certaines dibiteries, le personnel ne porte pas de blouse. Selon, Mme Loubrieu « Le contact des vêtements sales avec les carcasses, les manipulations intempestives de la viande en des mains dénouées de gants et l’absence d’eau courante donc potable augmentent les risques d’apport microbien ». Chez les « Borom bol » la viande est transportée avec les mêmes moyens utilisés par les vendeurs de « dibi ». Il arrive aussi que les « Borom bol » se ravitaillent dans leur cheptel. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la qualité de la viande. « Car le cheptel ne reçoit pas la visite d’un vétérinaire » d’après Mr Fall. Le décor est le même comme dans beaucoup de dibiterie. Les « borom bol » sont Installés le plus souvent dans les lieux de rassemblement. Les clients partagent la viande avec les mouches et très souvent dans un environnement où chats et chatons guettent les restes. Le bol est couvert d’une couverture de fortune, (morceau de tissus sale, papier a ciment) ce qui l’expose à la poussière qui peu salir la viande et la rendre impropre à la consommation.


Les sénégalais aiment consommer la viande de rue, avec tous les risques sanitaires liés à sa consommation. Manon Loubrieu, spécialiste en nutrition à l’hôpital principal de Dakar, revient avec nous sur les aliments qui renferment les mêmes valeurs nutritives (protéines) que la viande cuite de rue. Mais également sur les quantités de consommation de la viande hors volaille recommandée.


Manon Loubrieu : On ne peut pas dire qu'il existe des aliments qui possèdent exactement les mêmes valeurs nutritives que la viande car chaque aliment à sa particularité. Toutefois il est possible de faire des équivalences en s’intéressant aux différents nutriments séparément. Les équivalences qui seront le plus intéressants ici sont celles en protéines car c'est le nutriment qui est retrouvé en plus grosse quantité. On retrouve approximativement la même quantité de protéine dans 100g de viande que dans deux œufs ; Les poissons sont eux aussi riches en protéines et contiennent des graisses de meilleurs qualités ; L'addition de céréales (riz, pâte, maïs, mil etc) et de légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots) permet de s'approcher le plus possible de la protéine animale complète (la quasi totalités de protéines végétales sont moins complètes en acide aminés que les protéines animales donc moins biens assimilés si elles sont prisent individuellement) ; Les graines oléagineuses (cacahuètes, noix d’acajou,... ) Sont également très riche en protéines mais sont à consommer avec modération; Les fromages comme le parmesan ou ceux du type emmental sont également riches en protéines mais cela est moins représentatif par rapport à la quantité consommé

M.L : En ce qui concerne les effets sur la santé c'est surtout la viande rouge (viande de bœuf, porc, veau, mouton, agneau, chèvre, cheval) et la charcuterie qui sont pointées du doigt. Plusieurs études montreraient en effet qu'une surconsommation pourrait causer des maladies cardiovasculaires, des cancers (surtout colons) ou encore une hypercholestérolémie. Il faut toutefois être prudent avec les résultats de ses études car il est important de prendre en compte une multitude de facteurs pour arriver à une conclusion.

M.L : On recommande ainsi une consommation de : Viande hors volaille de maximum 500g/sem soit 70g/jour ; Charcuterie de maximum 25g/jour ou 150g par semaine. On limitera également la consommation de viandes cuites à haute température (barbecue, friture) et on recommandera de varier les modes de cuisson (bouillie, rôtie ...).

Souleymane Seck

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