Par Souleymane Seck
L’augmentation du niveau de la pauvreté et la multiplication des espaces économiques dans la ville de Dakar font que les populations se restaurent souvent hors de chez elles. Et pour pallier cette situation, les populations se rabattent sur les gargotes, entrainant ainsi leur multiplication dans divers endroits de la capitale.
Jadis localisés dans les banlieues dakaroises, les gargotes poussent aujourd’hui sur toutes les grandes artères de la ville de Dakar y compris le centre-ville et certains quartiers résidentiels ou de la moyenne bourgeoisie. Ce constat s’explique entre autres par la forte concentration des activités économiques dans le département de Dakar particulièrement au centre- ville. Cette forte concentration des activités économiques se matérialise par la présence des entreprises à forte utilisation de mains d’œuvres comme le Port autonome de Dakar (Pad) et des grandes entreprises classiques (institutions financières, assurances) etc. La concentration de l’activité économique au centre-ville et le phénomène de l’exode rural expliquent la multiplication des gargotes dans les différents coins du centre –ville. Cet exode rural se manifeste par une arrivée massive des populations rurales vers la ville. Ces populations habitent souvent en banlieue dakaroise et sont constituées de marchands ambulants, ouvriers, journaliers etc...Avec un pouvoir d’achat limité, elles n’ont d’autres alternatives que de se restaurer dans les gargotes. Samba Diop, vendeur de « Café Touba », habitant de Touba, confirme « je ne vis pas avec ma famille à Dakar. Donc je suis obligé de me rabattre dans les restaus populaires pour manger ». Certains fonctionnaires n’y échappent pas, à l’image de Doudou Samb, enseignant à Clébert, habitant les parcelles assainies de Dakar, « nous habitons hors de la ville et puisse que nous ne faisons pas la journée continue, nous sommes obligés de trouver à manger à midi. Ainsi, on se fait livrer un bol de riz par un gargotier du coin tous les jours à moindre prix ». Le nombre important e travailleurs qui ne font pas la journée continue, explique également la multiplication des gargotes au centre-ville. Ces derniers sont obligés de se restaurer avant de rentrer à la maison. Le rôle des communes Les communes d’arrondissement jouent un rôle important dans la multiplication des gargotes. En effet, l’installation des gargotes constitue une manne financière importante pour les mairies. Selon, le percepteur de la marie de Grand Yoff, Amadou Barry, « les gargotiers doivent débourser entre 2000 frs CFA et 50 000 frs CFA pour se voir octroyer quelques mètres carrés » Ainsi, les autorités communales n’hésitent pas à autoriser l’implantation des gargotes dans tous les coins des quartiers. Elles transforment de ce fait tous les rares espaces ou trottoir en marché et, par un effet d’entrainement, la prolifération des gargotes. Car des milliers de personnes s’y activent (petits boulots, commerces, garages ...). Mr Barry, souligne que « avec la raréfaction des ressources financières dans les communes, les responsables communaux voient dans l’implantation des gargotes des occasions de rentrée d’argent dans leurs structures. Ainsi, favorisent-ils leurs multiplications dans les territoires communaux? D’où les autorisations délivrées à toute personne qui en manifeste la demande ». Les autres communes d’arrondissement font la même pratique.Car dit-il « avec la nouvelle loi sur la décentralisation, les mairies sont laissées à elles-mêmes. Par conséquent, la facilitation et l’autorisation de l’installation des gargotes représentent un bouffée d’air pour les communes d’arrondissement ». Le phénomène de la pauvreté... Le niveau de pauvreté des populations constitue également un autre déterminant qui explique qu’une bonne partie de la population se restaurent dans les gargotes et/ou tangana d’où
leurs multiplications. En effet, dans beaucoup de famille, les parents n’arrivent plus à assurer les trois repas quotidiens. Ainsi, les enfants (filles/garçons) majeurs se restaurent le plus souvent dans les gargotes pour le dîner particulièrement. Ce phénomène est visible par exemple dans la commune de Grand Yoff notamment dans les quartiers Arafat et Kharyala. La nuit ces quartiers se transforment en une vaste gargote à ciel ouvert, avec comme menu : des brochettes de viande, des sandwiches à la viande, de la bouillie etc. Selon, DembaNdiaye, habitant de Kharyalah, « Je suis issu d’une famille modeste.et obligé d’aider mes parents. Les temps sont durs et avec le peu que je gagne de mes activités journalières, j’arrive à subvenir à mes besoins alimentaires. Et permettre à mes parents de s’occuper de mes frères et sœurs.
». Il lui arrive rarement de manger chez lui dit-il. Je suis comme un locataire lance-t-il avec un sourire.
La multiplication des gargotes et des espaces économiques font que les travailleurs ne se restaurent pas chez eux pour la plus part. Et pour pallier à cette situation certains se rabattent dans les restaus populaires qui ont fini de se disséminer dans la capitale. Même si ces restaus ne requièrent pas le maximum d’hygiène, il faut constater qu’ils sont très prisés. Ce commerce exclusivement réservé aux sénégalais et particulièrement aux femmes depuisl’avènement de la dévaluation et les mesures d’ajustement structurelles est aujourd’hui marqué par la présence des guinéennes (femmes venues de la Guinée Conakry) qui offrent et diversifient le menu des gargotiers avec le « Fouti ».
Les gargotes poussent comme des champignons à Dakar et permettent à des milliers de Sénégalais de se nourrir à moindre prix. Ils sont pris d’assaut à tout moment par les populations sans distinction de classe sociale. La plupart des gérantes de gargotes y trouvent leur comptent et arrivent à subvenir à leur besoin.
Au cœur des gargotes
Garage Petersen (centre-ville), il est 9h 45mn. Plusieurs cars urbains essaient de se frayer un passage pour accéder à l’intérieur du garage. Ce lieu est le terminus de plusieurs cars venant de la banlieue et de certains quartiers de Dakar. Il abrite un grand centre commercial, de nombreux garages de mécaniciens. Mais également beaucoup de marchands ambulants dont certains étalent leurs marchandises partout sur les trottoirs. Les passants et clients des gargotes ne se sentent aucunement dérangés par les vrombissements des moteurs et du grand vacarme qui y règne. Dans cet environnement bruyant, les gargotes occupent une bonne place. Avec le même décor pour la plus part. Ils sont entièrement faits de morceaux de tissu enrôlés tout autour sur un pilier en fer. A l’intérieur, des bols dispersés et entassés sur la table. Les uns contiennent de la salade, les autres des œufs déjà cuits, des frites, des sacs de pain, spaghetti, petit poie ..... Mais également des pots de moutarde, pot de piment, Ketchup, Il faut souligner que la plus part des gargotes font à peine deux mètres carrés. Il faut souvent jouer des coudes pour avoir de la place.
Les « Tanganas » sont visibles un peu partout, ces espaces réservés pour le petit déjeuner ont connu une grande mutation. Ils sont devenus pour la plus part des restaus. Jadis on y vendait du pain tartiné avec du beurre ou mayonnaise accompagné d’une tasse de kinkéliba ou café au lait. Aujourd’hui on y sert des omelettes, sandwichs, de la viande etc.... Selon, Ibrahima Touré, vendeur de tangana, au garage Lat Dior, « cette mutation répond à un désir de satisfaire la clientèle qui en a fait la demande ». Suivant les pas d’un jeune homme, sac au dos, d’un pas pressé surement tenaillé par la faim et nous voilà chez NdéyeArameMbengue, habillée d’une tenue noire et voilée. Elle est domiciliée à la cité Comico « Guédiawaye », vendeuse de petit déjeuner à Petersen. Elle offre à sa clientèle comme menu des sandwiches (poulet et foi), du café, café au lait, kinkéliba... Et le tarif pour déjeuner varie entre 700 et 1000 frs CFA. « Sa clientèle dit-elle est composée des travailleurs du garage, mais parfois elle arrive à attirer quelques passants ». Sur sa table on trouve trois grands bols à moitié couverts contenant des poulets, le foie, des frites. Et tout autour plusieurs pots (moutarde, piment...) à moitié ouvert contenant chacun une petite cuillère. Sur le même espace se trouve également deux grands « cafetières » avec des tasses en verre tout autour. Juste à côté d’elle se trouve un autre grand bol rempli d’ognons sur sa bombonne de gaz on arrive à apercevoir les (émincés d’ognons) qui trempent dans l’huile. Et derrière elle, se trouvent deux basins qui lui servent à rincer les tasses et cuillères. Foulard à la main, elle tente de temps en temps dechasserles mouches qui pullulent autour de sa table. Le même geste est répété par son client du moment qui, après deux gorgés de Kinkéliba, se met à lutter contre les mouches pour déguster tranquillement son petit déjeuner. Sa journée n’est pas de tout repos dit-elle « Après la descente vers midi ou treize heures, je fais mes emplettes au marché pour préparer la journée de demain. Et, arrivée à la maison, à peine le temps de faire mes salutations, je commence à cuisiner pour le lendemain matin. Et, il faudra se lever vers 4 heures du matin, afin de se préparer et d’arriver vers sept heures au plus tard». Assise sur son tabouret, elle se lamente des conditions difficiles de son travail. Outre, la fatigue liée à la préparation et la cuisine du petit déjeuner, elle doit aussi servir les clients sur place et gérer le service. Car dit-elle « certains clients appellent pour faire leur commande ». Elle s’insurge du fait qu’il est difficile de trouver des « boys » sérieux. Ces derniers assistent les gargotiers pour faire le ménage et assurer les différents services. Elle souligne que « les « boys » sont payés à hauteur de 700 à 1000 frs CFA la journée ». Pire encore dit-elle « nous leur assurons le petit déjeuner ». Mais, « malgré les charges et certaines contraintes, je réussis à m’en sortir, je rends grâce à dieu » dit-elle. Quelques mètres plus loin, nous apercevons une gargote particulière par le décor. Ici loin du décor habituel, nous apercevons quelques grands sauts en caoutchouc sur la table. Nous sommes chez Aminata Ndiaye (nom d’emprunt), restauratrice. La trentaine, elle habite Pikine. Depuis 2005, elle pratique ce métier. «Toute jeune j’accompagnais ma grande sœur qui occupait cette place. C’est quand elle a décroché que j’ai pris le relais avec deux de mes petites sœurs» dit-elle. Sa particularité est qu’elle vend du «lakh» dans ces différentes variétés : avec du lait caillé ou du ngalakh. .Elle explique son choix par le fait que « certaines personnes aiment manger des aliments sucrés. En plus le (lakh )est un aliment plat qui se fait désirer car on le prépare rarement dans les maisons, alors que beaucoup de personnes en raffolent». Ici dit-elle « les prix ne sont pas fixes. A partir de 300 frs CFA tu peux avoir un bol de « lakh ». La particularité de son offre fait qu’elle dispose d’une clientèle de tout âge. « Ici se retrouvent des clients de tout âge. Cependant, les
personnes âgées représentent une bonne partie de ma clientèle » dit-elle. Son menu « lakh » n’est pas exclusivement réservé à la vente. Elle explique « très régulièrement une partie de ma clientèle paie une grande quantité pour en faire de l’aumône ». Et dans ce cas dit-elle « suivant la quantité acheté, je l’offre aux talibés ou à des clients». Elle précise même recevoir des commandes de clients qui, pour des raisons particulières, ne le préparent pas chez eux.
L’autre particularité est qu’elle offre son menu aussi bien pour le petit déjeuner qu’au déjeuner. Toujours selon elle ce choix s’explique par le fait que « une bonne partie des travailleurs de Petersen ne veulent pas toujours manger du riz à midi. Ils préfèrent avoir un bol de « lakh » bien chaud à la place ». D’ailleurs dit-elle « nous préparons toujours la bouillie sur place pour subvenir aux besoins du client ».
Sa journée à l’image des autres gargotiers n’est pas de tout repos. Elle se lève à 4 heures du matin avec ses sœurs pour préparer le petit déjeuner et aussitôt terminer cap sur Dakar. Elle doit arriver avant au plus tard à 7 heures pour servir les premiers clients.
Garage Lat Dior, même décor Cap sur le garage Lat-Dior. Même décor, même ambiance. Ici et là sont mal garés des« cars rapides » et autres bus. Dans ce lieu, jugé trop exigu par certaines gérantes de gargote, l’on constate également une grande affluence. Quelques minutes de marche nous apercevons Khady Fall, une restauratrice, la cinquantaine, habitant à la Gueule Tapée. Dans sa camisole, elle s’active seule dans sa gargote. Deux bancs entourent une vétuste table tapissée sur laquelle est soigneusement rangée une panoplie d’assiettes et de couvercles décorant sa gargote. La devanture de sa gargote lui sert de cuisine. Juste à l’entrée deux grands fourneaux où sont posés de grandes marmites pouvant servir plus d’une dizaine de personnes. D’un pas sportif, elle fait la navette entre ces marmites et sa table, prête pour accueillir les clients. Aucun signe ne laisse présager le menu du jour. Interroger sur le menu elle rétorque « Pas besoin de tableau pour afficher le menu, ici, les clients sont réguliers ». Ouvriers, chauffeurs et quelques particuliers composent la clientèle. « Tous les jours, c’est deux plats (riz au poisson ou mafé), excepté le samedi où le nombre est réduit ». Elle souligne que « les travailleurs du tribunal constituent une bonne partie de sa clientèle». Les prix varient entre 800 et 1000 frs CFA. A peine quelques minutes de discussion, les clients commencent à s’installer autour de la table en attendant d’être servi. Issa Sarr, costume bleue, cravate bien nouée, taquine Mme fall. Son accoutrement ne laisse pas penser qu’il se restaure dans une gargote. Interpeller sur son choix de manger dans cet endroit, il souligne « les temps sont durs, il est presque impossible de réserver plusieurs bols pour les absents chez moi. J’ai la possibilité de manger dehors, je ne m’en prive pas ». Avec une sourire large Mr Sarr lance « mon accoutrement ne m’empêche pas de me servir chez Mme Fall elle maîtrise l’art culinaire ». Khady Fall, s’en glorifie « Oui ! Je ne suis pas de la nouvelle génération. La cuisine est un art. Et en plus je veille sur l’hygiène ». Rien ne certifie les propos de Mme Fall sa gargote est envahie par quelques mouches, la fumée dégagée par les « cars rapides » envahit par moment la gargote. Pire elle ne dispose pas d’une poubelle qui pourtant est un des éléments indispensables pour ouvrir une gargote. Le centre-ville dans la dance Après quelques kilomètres de marche, nous voilà en plein cœur de Dakar. Non loin de la place de l’indépendance, près du marché Kermel, pas loin du ministère des affaires étrangères, nous faisons face à un espace de 150 mètres carrés qui regroupe des gargotes. « Une bonne partie de ce que le centre-ville compte comme fonctionnaire se restaure dans ces gargotes » souligne Oumar Bâ, « Boy » de profession. En déambulant dans cet espace on se
rend compte de la diversité des plats proposés aux clients. Outre les plats nationaux (le riz au poisson, la mafé, c bon etc.) on aperçoit sur certaines tables d’autres plats comme (le Athéké, Morokhé, le Fouti etc.. qui sont des plats Ivoiriens, maliens et Guinéens. Notre interlocuteur, Mr Bâ, que nous avons réussi à isoler loin des regards des clients et de son patron, nous explique que « la diversité des plats est la résultante de la présence sur place de personnes de nationalités différentes. Ici, on note la présence des banquiers surtout de la banque centrale. Le plus souvent ils mangent les plats de leur pays ». Toujours, selon Mr Bâ, « Il faut débourser entre 800 frs CFA et au plus 2000 frs CFA pour le repas de midi». Ici dit-il « on offre que le petit déjeuner et le petit-déjeuner. Mais la plus grande affluence est notée à l’heure du déjeuner ». Malgré le plan d’assainissement du centre-ville, on trouve un peu partout des gargotes notamment aux alentours du marché Sandaga et en descendant vers le môle 8, lieu de convergence des dokers, mareyeurs etc. Le « fouti », sur la table Commerce jadis considéré comme chasse gardée sénégalais, les gargotes sont détenues de plus en plus dans certains quartiers populaires (Grand Yoff, Arafat, kharyala etc.) et de la moyenne bourgeoisie (Hlm grand yoff, Sicap foire etc.) par des guinéennes. Sous un immeuble en construction, non loin de la grande boutique (NumeroUno) se trouve la dame LamaranaBary, originaire de la guinée Conakry, vendeuse de petit-déjeuner et de déjeuner. Son emplacement n’est pas loin des agences de banque, de petits commerces et nombreux chantiers en construction. Endroit idéal pour avoir la clientèle oui ! nous rétorque Mme Bary « Je rends grâce à dieu. Cela fait cinq ans que je m’active dans la restauration. Et j’ai une clientèle fidèle ». Le menu ne change pas dit-elle « je prépare tous les jours du (Fouti) un plat de chez moi et c’est très bien apprécié des sénégalais de plus en plus». Un coup d’œil sur les deux bancs de six à huit places qui entourent sa table, nous montre effectivement la présence d’ouvriers sénégalais (maçons) et d’employés venant des structures formelles de la localité. Selon, Mme Bary « les prix commencent à partir de 300 frs CFA et évoluent en fonction de sa bourse ». Impossible de soutirer un mot aux clients qui tête penchée sur leur bol dégustent tranquillement leur « Fouti ». Cependant, apostrophant IsmailaDieng (nom d’emprunt), maçon de son état, après sa dégustation, il nous explique pourquoi il préfère le (Fouti ) « tous les matins avant d’attaquer mon travail. Je prends mon petit-déjeuner chez Mme bary. Le (Fouti) me permet de tenir plus longtemps car mon travail nécessite beaucoup de force ». Avec 500 frs CFA, il consomme une quantité de (Fouti) qui lui permet de tenir toute la journée jusqu’au repas du soir dit-il. « Tu vois l’affluence même les banquiers en raffole » souligne Mr Dieng. Au regard de l’environnement de la gargote de Mme Bary, on aperçoit de jeunes guinéens assisses sur des cailloux qui se restaurent en dehors de la gargote. Laissant la place aux autres clients. Les gargotes gérées par les guinéennes se comptent en nombre dans la commune de grand yoff où il y a une forte concentration de la communauté de la guinée Conakry. Selon, Mme Bary, la cohabitation avec ses collègues sénégalaises se passe bien. « Nous n’offrons pas le même menu bien que nous leur grignotons de plus en plus une part de marché » d’un ton moqueur dit-elle. Mais elle souligne que « au Sénégal il y a une forte communauté de jeunes guinéens c’est la raison pour laquelle j’ai ouvert ma gargote depuis cinq ans ». Cependant, elle précise que de plus en plus les sénégalais se restaurent dans sa gargote. « Il s’agit des ouvriers qui occupent une partie de la clientèle sénégalaise mais également quelques personnes de classe moyenne » explique-t-elle.
Le code de l’hygiène exige le respect de certaines normes sanitairescomme, l’installation du commerce alimentaire dans des lieux propres, éloignés des sources d’infections et de pollution pour diminuer les risques d’intoxications. Cependant, la réalité du terrain est tout autre. Dans ces espaces qui abritent, les gargotes et les tanganas, les mouches et autres insectes font partie du décor et ce, malgré l’assurance donnée par les gargotiers sur la prise en charge rigoureuse de ces vulnérabilités qui peuvent souvent porter un sacrée coup à la santé.
Attention, danger !
Les restaus populaires, pour la plupart, ne respectent presque jamais les normes d’hygiène. Aucun des gargotiers dans le cadre de ce reportage ne fut capable de présenter un certificat médical attestant sa bonne santé et des documents administratifs fiables qui donnent droit à pratiquer le métier de gargotier. La plus part d’entre eux se justifient de recevoir la visite régulière d’agents du service de l’hygiène. Et ces derniers ne leur brandissent pas des contraventions liées à l’insalubrité de leurs gargotes. Mais, si on se réfère aux propos d’Ibrahima Touré, vendeur de petit-déjeuner, au garage Lat Dior, on comprend mieux l’état d’insalubrité de ces restaus populaires. « Nous recevons régulièrement la visite des agents du service d’hygiène. Mais il suffit de débourser 2000 frs CFA pour ne pas être inquiété ». De telles pratiques sont évoqués par la plus part des gargotiers. Il faut noter que tous ceux qui travaillent dans les gargotes doivent avoir ce sésame médical pour travailler dans la gargote y compris les serveuses ; les « boys » etc... Pire, les poubelles demeurent une exigence dans les gargotes, mais on les trouve rarement dans ces endroits. A la place on voit des bols à ciel ouvert où on déverse les déchets et le reste des clients. En outre, les conditions de préparation de certains aliments ne respectent aucune mesure d’hygiène. En effet, les gérantes des gargotes, avides de gain facile, ne renouvellent pas l’huile lors des fritures et des cuissons, ce qui engendre des maux d’estomac, des vomissements chez les consommateurs. Toujours dans ce manque d’hygiène on remarque très souvent les (boys) qui lavent rapidement les ustensiles déjà utilisées, les légumes sont lavés à la va-vite. Ce qui peut favoriser la multiplication des germes et bactéries. L’autre problème d’hygiène qui nécessite une attention particulière est la durée de vie des produits destinés à la consommation. Ils sont nombreux les Sénégalais qui n’hésitent pas à vendre des aliments périmés. Alors que les gargotiers dont la plus part ne savent ni lire, ni écrire deviennent des proies faciles. Car l’essentiel de ces produits périssables : les bouteilles de vinaigre, les essences bananes, les arômes, le jus en poudre comme JumKin, les beurres, les pots de moutarde, ceux de mayonnaise, ceux de petit pois sont très utilisés par ces derniers. Contre ces infractions aux règles d’hygiène, la loi prévoit des sanctions. Selon, Ibrahima Diaw, agent du service d’hygiène. « L'article L49 de la loi 83-71 du 5 juillet 1980 exige les visites médicales pour les personnes qui sont dans les bars, les restaurants, les boulangeries, dans les boutiques et toutes celles qui sont en contact permanent avec les denrées alimentaires. La sanction est apportée par l'article L75 du même code. Elle est de 9 000 à 18 000 francs ou de 5 jours à 1 mois d'emprisonnement ».
Malheureusement, le manque d’effectif des agents de service d’hygiène et le comportement véreux de certains agents permettent à plusieurs gérants de gargotes d’échapper à ces contrôles sanitaires.
Lorsqu'on observe le comportement des vendeurs de sandwichs et autres sucettes et beignets dans nos gargotes, l'on comprend la tragédie quotidienne dans laquelle vivent les Sénégalais, tenaillés par la faim. Et chaque jour, c’est miracle si les consommateurs ne contractent pas une intoxication alimentaire.
Note
Nous avons rencontré beaucoup de difficultés pour faire parler les gargotiers. Beaucoup n’ont pas accepté de se faire enregistrer. Nous étions obligés de prendre des notes. Et ceux qui ont voulu être enregistré n’ont pas voulu qu’on cite leur nom.
Les femmes guinéennes ont systématiquement refusé de parler. Il a fallu se faire accompagner par un ami guinéen pour décrocher une interview.
Idem pour les clients pour des raisons de manque de temps beaucoup n’ont pas accepté de parler.
Lieux visités :
Centre-ville : Garage Petersen, Garage Lat Dior, Marche Kermel, Banlieue : Pikine : marché zinc
Quartiers populaires : Hlm grand yoff, arafat, kharyala,
Zones « résidentielles » sicap foire
Structures contactées : Marie Grand Yoff, service national d’hygiéne
Lexique:
« Boy » personne qui assiste le gargotier
« Lakh »
« lakhSowe » céréale (à base de mil ou sankale) plus du lait caillé
« lakhNneterie » céréale (à base de mil) plus lait à base de pâte d’arachide
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