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Mame Penda Diouf, la folle des plantes

Par Ndeye Debo SECK


Depuis son plus jeune âge, une complicité singulière lie Mame Penda Diouf aux plantes. Cette descendante de Saltigué a la faculté de les écouter, de leur parler « quand elles manquent d’eau je suis malade » confie-t-elle. Au centre de formation et de démonstration de Grand Yoff celle que ses proches surnomment la folle des plantes peut se livrer sans réserve à sa passion de toujours.


Madame Diouf est botaniste et préparatrice de pharmacie, une profession qu’elle a exercé pendant 21 ans avant de se retirer en 2000. A cette même époque, le micro jardinage est introduitau Sénégal. Cette technique de culture sur tables permet de combler tous les besoins en oligo-éléments de l’organisme et ne nécessite pas l’usage nocif de pesticide. Encouragée par son oncle Mame Penda s’y lance à corps perdu. C’est le début d’une idylle qu’elle n’a de cesse d’entretenir. Pour Mame Penda il n’y a pas de secret, « les savants ne sont pas nés savants, seul le travail paie par la grâce de Dieu ». Madame Diouf a entre autres expérimenté la culture sur table du riz de la vallée et d’une variété de mil de l’Ouganda. Elle s’est inspirée de la méthode de son père pour créer un engrais naturel, nommé Khelcom en hommage à son marabout et guide Feu Serigne Saliou Mbacké. Chez Mame Penda rien ne se perd, tout se recycle. Dans la cour du centre un papayer s’élance d’un pneu, de la citronnelle s’extirpe d’une bouteille découpée. A l’arrière des plantes diverses poussent des tables disposées pêle-mêle. On est surpris de trouver de la chicorée, des épinards au milieu de cultures plus familières comme le melon, le persil, ou la patate. Dans son bureau qui fait aussi office de laboratoire, Madame Diouf expose une moisson hétéroclite. Elle exhibe fièrement une grosse papaye et de la graine de salade dans un petit bol. Une belle aubergine trône sur la table, elle met en sachet du piment tout frais récolté, un panier contient du riz ougandais et une variété de menthe communément appelée « nana » sèche dans un autre. De sous la table elle sort un échantillon de son encre indélébile, des pots de légumes découpés et assaisonnés de vinaigre. Au centre socio-culturel de Grand Yoff, sa disponibilité et sa maîtrise des techniques du micro jardinage font l’unanimité. C’est dire que cette dame a le cœur à l’ouvrage. Grâce au soutien indéfectible de sa famille, Mame Penda trouve toujours la motivation d’aller de l’avant. Avec une tendresse non feinte elle parle de ses enfants aux petits soins et de son mari compréhensif. A près de soixante ans c’est avec fierté qu’elle déclare être arrière-grand-mère. Fervente talibé mouride elle ne se lasse pas d’écouter les échos vivifiants des « khassaides » chantés par les dahiras de jeunes de son quartier. Mame Penda respire la bonne humeur et en sa compagnie on ne s’ennuie pas tant elle a le sens de la répartie et des traits d’esprits qui forcent le sourire. Malgré les progrès dans sa pratique du micro jardinage ce petit bout de femme reste humble « sabu du fôt bopam ». Elle ne veut pas d’une reconnaissance, juste mettre sa connaissance au service de la patrie. Ainsi initier les jeunes au micro jardinage peut constituer une alternative à l’immigration clandestine. Ce qui ne requiert pas un grand investissement et peut avoir des rendements importants. De la sorte le Sénégal pourrait arriver à un toit un micro jardin, se doter des moyens de vaincre la malnutrition et d’éradiquer la pauvreté. Mais c’est un projet

ambitieux et elle en appelle aux autorités pour l’octroi d’un grand espace bien fourni en eau pour vulgariser la formation. Madame Diouf est convaincue que le micro jardinage peut être une réponse aux difficultés que connaissent les ménages. « Avec le micro jardinage, la charge du panier de la ménagère est allégée, elle a des légumes à portée et fait des économies » assure t- elle.

Depuis notre entrevue en 2009, le jardin sur tables de la Folle des Plantes a été déménagé au rond-point Liberté 6. Les tables, pneus et ustensiles recyclés y sont en bonne place. On retrouve ainsi des herbes aromatiques, les traditionnelles variétés de menthe, le basilic, la citronnelle, quelques légumes etc. Dans le jardin se retrouvent pêle-mêle des tables cassées, brouettes inemployées, envahis par une végétation hirsute et hétéroclite faite d’acacias,d’agrumes, d’arbustes de différentes tailles. Malheureusement l’endroit est complètement noyé par le grand marché de tabliers qui ne finit pas de s’installer tout autour du rond- point. Certains parmi les vendeurs ont adossé leurs ‘cantines’ à la haie fragile du jardin. D’autres se sont tout bonnement installés dans l’enceinte, devisant autour d’une théière, cigarettes à la main. « C’est parce que nous sommes des femmes », me lance dépitée une des dames, agée, en charge du potager. Elles n’ont pas cessé de se plaindre, rien n’y fait. Mame Penda n’est pas là. Il nous faudra revenir pour avoir son sentiment sur l’état de dégradation de son cher jardin. A terme le potager de la folle des plantes va disparaitre, noyé par ce fléau qu’est la cantinisation de tout espace par des jeunes sans emplois qui s’activent dans l’informel.

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